🔷 Ce matin, j’écoute France Inter dans ma voiture d’une oreille distraite. Léa Salamé reçoit Amel Bent.
Amel Bent a fait une chanson sur la charge mentale des femmes, 15 millions de vues sur Internet. Léa Salamé s’extasie : la chanson déclenche une explosion de messages sur les réseaux sociaux. « Ta to do list c’est ma vie » lui disent les femmes. Certaines l’arrêtent dans la rue pour la remercier d’en parler.
Je suis dépitée d’entendre cela, encore et encore.
Nous avons des décennies de recul et d’analyse sur cette question de la charge mentale des femmes, des kilomètres de textes pensés, écrits, déclamés, chantés, récités.
C’est devenu le sujet préféré des chroniqueuses et des femmes humoristes (avec la sexualité féminine, les règles et les poils), la female touch des standupeuses, parfois avec une magnifique justesse, parfois du défonçage de portes ouvertes quand l’inspiration manque. Un marronnier en somme.
Pourtant on fait encore semblant en 2025 de découvrir cette foutue charge mentale. Des femmes en sont encore à remercier qu’on parle de leur quotidien, comme si c’était une révélation transgressive.
Sommes-nous condamnées à parler dans le vide indéfiniment, à rejouer les mêmes scènes, à recycler nos vies de femmes de génération en génération ?
🔷 Hier soir, je tombe sur une interview de Sandrine Rousseau, il est question de la TVA sociale, elle répond impôt injuste, elle parle taxation des hauts salaires, des profits, de l’immobilier. Les journalistes lui opposent la fuite des entrepreneurs et des riches, le gain en pouvoir d’achat si les cotisations sociales salariales baissent. Elle répond que le faible pouvoir d’achat ainsi dégagé ne pèsera rien à côté de la perte de pouvoir d’achat lié à la TVA impactant surtout les plus pauvres.
bla bla bla
Je suis dépitée d’entendre cela, encore et encore.
J’entends cette partition, ces mots, ces questions, ces réponses, les objections des journalistes, depuis que je suis née. Identiques, au mot près. L’ancêtre des Duhamel déroulait déjà la même pelote sans fin dans son poste TSF.
L’éternel débat qui amène toujours à la même conclusion : point de salut hors du système actuel, dont on veut bien déplorer les effets ou les échecs, mais ça ne fait rien, bas les pattes, il ne faut pas sortir de la piste du cirque, on est sûrs qu’il n’y a pas mieux.
Sommes-nous condamnés à parler dans le vide indéfiniment, à recycler les vieilles idées de génération en génération ?
🔷 Cette semaine en général, de retour de vacances, je tente d’écouter un peu les infos, histoire de ne pas déjeuner en paix, et comme prévu, « les nouvelles d’où qu’elles viennent sont mauvaises ».
Les politiques et les media tournent en boucle sur la proposition de Guillaume Attal d’interdire le voile pour les enfants, sur la fuite du rapport sur l’entrisme des frères musulmans et le spectre du grand remplacement, sur les reculs obtenus par les agriculteurs. Et allez donc, pesticides, élevage industriel, prolongation des néonicotinoïdes en violation des proclamations passées des élus. On leur repasse d’anciens discours, qu’ils balaient d’un revers de main, fiers d’être des girouettes. Mesdames Messieurs admirez le contorsionniste : « il faut savoir écouter le peuple, nous sommes responsables, nous tenons compte du principe de réalité ».
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Inutile de continuer, ça tourne en rond.
Quand bien même l’histoire introduit des éléments hors normes, des guerres, des virus, des épidémies, des fascistes, des milliardaires fous, un risque écologique de fin du monde, ça ne change rien, la chorégraphie ne bouge pas, au contraire les gardiens du temple resserrent le cercle de la piste aux étoiles.
Comment est-ce possible de rejouer toujours les mêmes scènes codifiées, de servir les mêmes discours usés en boucle, sans que les gens ne se lèvent en disant stop, on ne joue plus.
Il doit bien y avoir une explication, ça n’a aucun sens, c’est une insulte à l’intelligence.
Je me demande parfois si nous ne sommes pas des Truman Burbank, tournant sans le savoir dans un série de téléréalité sans envergure, avec de fausses personnes tout autour qui font semblant.
Les scénaristes se sont barrés, ou ils sont morts, les spectateurs aussi. Les personnages complices sont maintenant des robots non apprenants qui récitent des dialogues immuables. Le show continue tout seul.
Les organisateurs attendaient que nous prenions un tunnel de sortie vers le bord du dôme pour nous extirper de ce navet, tel Truman Burbank. Mais nous, pauvres imbéciles, nous n’avons pas bougé. Et c’est ainsi que l’on continue à tourner en rond dans un spectacle de cirque à l’abandon.
Au secours, send help, faites entrer le type qui s’est fait tatouer le plan des tunnels. On ne veut plus jouer.
« Au cas où on ne se reverrait pas d’ici là, je vous souhaite une bonne soirée et une excellente nuit »