Truman Show

🔷 Ce matin, j’écoute France Inter dans ma voiture d’une oreille distraite. Léa Salamé reçoit Amel Bent.

Amel Bent a fait une chanson sur la charge mentale des femmes, 15 millions de vues sur Internet. Léa Salamé s’extasie : la chanson déclenche une explosion de messages sur les réseaux sociaux. « Ta to do list c’est ma vie » lui disent les femmes. Certaines l’arrêtent dans la rue pour la remercier d’en parler.

Je suis dépitée d’entendre cela, encore et encore.

Nous avons des décennies de recul et d’analyse sur cette question de la charge mentale des femmes, des kilomètres de textes pensés, écrits, déclamés, chantés, récités.

C’est devenu le sujet préféré des chroniqueuses et des femmes humoristes (avec la sexualité féminine, les règles et les poils), la female touch des standupeuses, parfois avec une magnifique justesse, parfois du défonçage de portes ouvertes quand l’inspiration manque. Un marronnier en somme.

Pourtant on fait encore semblant en 2025 de découvrir cette foutue charge mentale. Des femmes en sont encore à remercier qu’on parle de leur quotidien, comme si c’était une révélation transgressive.

Sommes-nous condamnées à parler dans le vide indéfiniment, à rejouer les mêmes scènes, à recycler nos vies de femmes de génération en génération ?

🔷 Hier soir, je tombe sur une interview de Sandrine Rousseau, il est question de la TVA sociale, elle répond impôt injuste, elle parle taxation des hauts salaires, des profits, de l’immobilier. Les journalistes lui opposent la fuite des entrepreneurs et des riches, le gain en pouvoir d’achat si les cotisations sociales salariales baissent. Elle répond que le faible pouvoir d’achat ainsi dégagé ne pèsera rien à côté de la perte de pouvoir d’achat lié à la TVA impactant surtout les plus pauvres.

bla bla bla

Je suis dépitée d’entendre cela, encore et encore.

J’entends cette partition, ces mots, ces questions, ces réponses, les objections des journalistes, depuis que je suis née. Identiques, au mot près. L’ancêtre des Duhamel déroulait déjà la même pelote sans fin dans son poste TSF.

L’éternel débat qui amène toujours à la même conclusion : point de salut hors du système actuel, dont on veut bien déplorer les effets ou les échecs, mais ça ne fait rien, bas les pattes, il ne faut pas sortir de la piste du cirque, on est sûrs qu’il n’y a pas mieux.

Sommes-nous condamnés à parler dans le vide indéfiniment, à recycler les vieilles idées de génération en génération ?

🔷 Cette semaine en général, de retour de vacances, je tente d’écouter un peu les infos, histoire de ne pas déjeuner en paix, et comme prévu, « les nouvelles d’où qu’elles viennent sont mauvaises ».

Les politiques et les media tournent en boucle sur la proposition de Guillaume Attal d’interdire le voile pour les enfants, sur la fuite du rapport sur l’entrisme des frères musulmans et le spectre du grand remplacement, sur les reculs obtenus par les agriculteurs. Et allez donc, pesticides, élevage industriel, prolongation des néonicotinoïdes en violation des proclamations passées des élus. On leur repasse d’anciens discours, qu’ils balaient d’un revers de main, fiers d’être des girouettes. Mesdames Messieurs admirez le contorsionniste : « il faut savoir écouter le peuple, nous sommes responsables, nous tenons compte du principe de réalité ».

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Inutile de continuer, ça tourne en rond.

Quand bien même l’histoire introduit des éléments hors normes, des guerres, des virus, des épidémies, des fascistes, des milliardaires fous, un risque écologique de fin du monde, ça ne change rien, la chorégraphie ne bouge pas, au contraire les gardiens du temple resserrent le cercle de la piste aux étoiles.

Comment est-ce possible de rejouer toujours les mêmes scènes codifiées, de servir les mêmes discours usés en boucle, sans que les gens ne se lèvent en disant stop, on ne joue plus.

Il doit bien y avoir une explication, ça n’a aucun sens, c’est une insulte à l’intelligence.

Je me demande parfois si nous ne sommes pas des Truman Burbank, tournant sans le savoir dans un série de téléréalité sans envergure, avec de fausses personnes tout autour qui font semblant.

Les scénaristes se sont barrés, ou ils sont morts, les spectateurs aussi. Les personnages complices sont maintenant des robots non apprenants qui récitent des dialogues immuables. Le show continue tout seul.

Les organisateurs attendaient que nous prenions un tunnel de sortie vers le bord du dôme pour nous extirper de ce navet, tel Truman Burbank. Mais nous, pauvres imbéciles, nous n’avons pas bougé. Et c’est ainsi que l’on continue à tourner en rond dans un spectacle de cirque à l’abandon.

Au secours, send help, faites entrer le type qui s’est fait tatouer le plan des tunnels. On ne veut plus jouer.

« Au cas où on ne se reverrait pas d’ici là, je vous souhaite une bonne soirée et une excellente nuit »

Ecce Homo

Tous les garçons devraient lire King Kong Théorie à la fin de l’adolescence.

Ce devrait être un rite de passage, un cadeau merveilleux que l’on offre aux garçons, un manuel de déconstruction de l’homme en construction.

« Tiens mon fils, oublie tout ce que tu crois savoir, tout ce qui t’a été inculqué à coups de pioche sur ta condition masculine, prends les mots de Despentes et laisse toi pour une fois pénétrer. »

Même s’ils sont insensibles aux mots qui parlent des femmes, ils devraient au moins s’imprégner des passages sur la virilité.

Ainsi pourrions-nous avancer à pas de géant.

Oui, si tous les hommes étaient percutés par le coût à payer pour eux mêmes de la perpétuation de leur domination sur les femmes, s’ils mesuraient que ce coût profond dépasse de loin les avantages certains mais finalement vains de leur sexe, s’ils étaient pleinement conscients que la libération de la femme sera une libération pour l’homme, nous pourrions avancer à pas de géant.

Plus besoin de les convaincre de la justesse du combat des femmes s’ils savent que l’abandon de leur antique condition virile sera aussi une délivrance personnelle et collective, de nature à modifier la marche du monde.

Plus besoin de déclencher un backlash brutal à chaque minuscule progrès s’ils sont convaincus du bénéfice partagé à avancer.

Voici l’homme nouveau, celui qui a lu Despentes comme l’on faisait autrefois ses humanités pour former son esprit.

Celui qui n’est plus formaté pour imposer son corps, ses actes, et ses idées par la force ; Qui n’a que faire de la domination encombrante qui n’est qu’une jouissance solitaire et triste ; Qui n’a pas besoin d’écraser pour accumuler du vide et tourner sur lui-même ; Qui se moque de courir devant ou de s’élever au-dessus, et rengaine tout son attirail inutile ; Qui exclut les prédateurs au lieu de les protéger ou les ignorer.

Voici l’homme nouveau qui n’est qu’une femme comme les autres, qui n’a pas besoin de sauveuses pour rester à flot, qui n’a pas de cap à tenir, qui n’a plus besoin de se forger une bite en métal, qui ne subit pas d’injonction à pénétrer pour avoir l’illusion de posséder.

Aucun traité philosophique, aucune tribune militante, aucune conférence scientifique ne peut bouleverser les certitudes ancrées depuis l’enfance avec autant d’efficacité que les mots bruts, grossiers, inspirants de Despentes.

Voilà pourquoi tous les garçons devraient lire King Kong Théorie à la fin de l’adolescence, juste avant de devenir des petits soldats plombés, de la chair à canon du système qui leur fait croire à tort qu’ils tiennent le canon.

Offrez cette chance à vos garçons, élevez vos fils.

* * *

« Se conformer aux normes de la masculinité hégémonique coûte cher aux hommes »

« Qu’est-ce que cela exige, au juste, être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l’enfance brutalement et définitivement : les hommes-enfants n’ont pas bonne presse. Être angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu’elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. S’habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussures pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux, ni aucun maquillage. Devoir faire le premier pas, toujours. N’avoir aucune culture sexuelle pour améliorer son orgasme. Ne pas savoir demander d’aide. Devoir être courageux, même si on en a aucune envie. Valoriser la force quel que soit son caractère. Faire preuve d’agressivité. Avoir un accès restreint à la paternité. Réussir socialement, pour se payer les meilleures femmes. Craindre son homosexualité car un homme, un vrai, ne doit pas être pénétré. Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter de petites voitures et d’armes en plastique super moches. Ne pas trop prendre soin de son corps. Être soumis à la brutalité des autres hommes sans se plaindre. Savoir se défendre, même si on est doux. Être coupé de sa féminité, symétriquement aux femmes, qui renoncent à leur virilité, non pas en fonction des besoins d’une situation ou d’un caractère, mais en fonction de ce que le corps collectif exige. Afin que, toujours, les femmes donnent des enfants pour la guerre et que les hommes acceptent d’aller se faire tuer pour sauver les intérêts de trois ou quatre crétins à courte vue. » 

« Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’assignement à la féminité. »

« Bien sûr que c’est pénible d’être une femme. Peurs, contraintes, impératifs de silence, rappels à un ordre qui a fait long feu, festivals de limitations imbéciles et stériles […] Mais, à côté de ce que c’est, être un homme, ça ressemble à de la rigolade … Car, finalement, nous ne sommes pas les plus terrorisées, ni les plus désarmées, ni les plus entravées. Le sexe de l’endurance, du courage, de la résistance, a toujours été le nôtre. Pas qu’on ait le choix, de toute façon. »

Les enfants seuls

Nos vies commencent par une loterie géante, si bien qu’il est inutile de se morfondre en se demandant pourquoi ou comment on en est arrivés là. Nous avons été posés comme des petits cailloux sur un chemin, et nous avons suivi la voie tracée, comme des petits cailloux polis.

Personnellement, j’ai commencé avec un tirage pas fameux, celui du caillou solitaire posé sur un chemin vide.

Cela tient à peu de choses.

J’étais une enfant unique, dans une famille sans enfants du même âge.

J’habitais dans une maison en ville entourée de voisins âgés sans enfants. Je ne faisais pas partie de ceux qui arrivent ensemble dans un car scolaire, ni de ceux qui se retrouvent le soir dans un village ou dans un lotissement rempli de vélos et de ballons de foot.

Circonstance aggravante, j’étais du genre bonne élève, assignée à moisir dans le petit groupe des premiers de la classe, ceux qui regardent de loin avec envie les enfants populaires qui rient, qui jouent, qui forment des bandes, qui savent communiquer.

Cerise sur le pudding, j’étais timide et maladroite. Inapte à faire ce qu’il faut dans un jeu d’équipe (c’est mon tour ? ah non pardon j’ai raté, et là, qu’est ce que je fais de ce foutu ballon qui s’enfuit de mes mains, désolée j’ai lâché la corde, j’ai lâché la rampe, j’ai tout lâché). Incapable de dépasser le niveau genoux à l’élastique (les filles de ces années là savent ce que ça veut dire).

Pour finir de plomber l’affaire, j’étais grande et maigre comme un échalas, comme une échalotte plutôt, comme un trait qui dépasse du dessin sur le livre de coloriage. Ne sachant que faire de mes grandes jambes qui ne se coordonnaient pas pour courir, ni de mes côtes saillantes, ridicules dans un justaucorps ou un maillot de bain. Toujours en arrière, à regarder bouche bée toutes les autres se transformer, avec leurs seins qui poussent, leur règles douloureuses qui donnent droit à la dispense de sport. Moi je restais androgyne, anguleuse, bien obligée d’aller aux cours de sport avec mes guiboles désordonnées.

Avec ces ingrédients cumulés, c’était imparable : j’étais condamnée à être une enfant seule.

La solitude de l’enfance, c’est dense. C’est comme marcher dans une bulle étanche qui ne se mélange pas au reste du monde. On peut tourner sur soi-même à 360° en appelant à la cantonade, ça ne répond pas, ça ne fait pas écho.

Quand on fait partie des enfants seuls, on dévore les livres et on vit avec la musique. Les livres et la musique sont nos amis indéfectibles. Les écrivains et les musiciens ne se doutent pas du rôle essentiel qu’ils tiennent dans la vie des enfants seuls, ils sont l’oxygène et la couverture de survie.

Je serais née plus tard, j’aurais probablement passé mon temps sur des jeux vidéo. Pas de bol, ça n’existait pas encore, il fallait tout inventer soi-même, déployer des stratégies de remplissage du temps et de l’espace.

L’atout des enfants seuls, c’est leur capacité à développer leur imagination dans un univers fantasmé.

On parle avec des amis, des frères, et des sœurs imaginaires, parfois avec le chien quand il veut bien nous écouter.

Il faut endosser tous les rôles de nos histoires. On joue à la Princesse en faisant la princesse, le prince charmant, les sorcières, les fées, les nains et les géants.

On fait inlassablement le défi du parcours dans le jardin en ne posant jamais le pied ni sur les dalles, ni sur l’herbe, ni sur les graviers, de la sortie de la cuisine jusqu’à la cabane des poules au bout du monde. C’est bien, le défi du jardin, ça occupe plein de temps, surtout quand on est maladroit, il faut souvent recommencer du début.

Et on fait des listes. C’est bien aussi les listes, ça peut se faire partout, dans la voiture, pendant les repas de famille, dans son lit. La liste des mots qu’on préfère, la liste des pierres précieuses qui ont le plus joli nom (cette liste commence par aigue marine), la liste des adjectifs qui nous plaisent, la liste de nos meilleurs rêves pour s’endormir, la liste des choses qu’on trouve belles, la liste de ceux qu’on voudrait voir foudroyés par un éclair mortel (cette liste commence par Philippe S qui m’a appelée « planche à pain » en ricanant pendant deux ans). Des listes de tout.

Finalement on est assez forts pour compenser et continuer son chemin jusqu’aux bretelles de sortie.

Aujourd’hui je ne suis plus seule. J’ai appris à être fréquentable, je veux qu’on m’aime, je fais tout pour ça. Je suis passée du bon côté de la cour de récréation.

Mais il suffit d’un petit rien, une légère marque d’indifférence, une situation dans laquelle je n’ai pas les codes, un milieu inconnu ou hostile, une parole à côté de la plaque, et la bulle, toujours en embuscade, revient au galop.

Au fond, on reste toujours des enfants seuls.

Le karma d’un canard

Canard était un Tadorne Casarca, un gros canard orange aux rémiges et au croupion noirs.

Il vivait en Asie Centrale, et migrait en Asie du Sud pendant l’hiver, souvent en Malaisie, près de Johor Bahru.

Il aurait dû vivre en couple, comme tous ses congénères, mais il préférait rester seul.

Non pas qu’il ait vraiment « choisi » son mode de vie. De toute façon, aucune femelle ne le laissait s’approcher, sa réputation de gros canard pénible le précédait où qu’il aille.

C’est vrai qu’il était plus gros que la moyenne, plus orange que les autres aussi, et considéré comme pas très futé par la communauté. Il y avait sa queue aussi, qui avait pris une drôle de forme écrasée, rapport à une expérience stupide qu’il avait tentée un matin de printemps (mais il aurait préféré mourir plutôt que de raconter comment il s’était fait aplatir la queue et gondoler le bas du cul).

Canard n’était pas plus bête qu’un autre en vérité, le niveau d’intelligence de ses congénères n’était guère plus élevé. C’est juste qu’il ne réfléchissait pas avant de cancaner. Il proférait régulièrement des bêtises dignes d’une oie, ce qui avait contribué à sa mauvaise réputation. Canard, il est complétement oiseux, disait-on, et ce n’était pas un compliment.

Canard errait souvent aux abords du golf d’un complexe touristique pas loin du lac. Là bas, il y avait plein d’américains qui lui lançaient des morceaux de gâteau.

On avait beau se moquer tout le temps de lui, Canard se trouvait plutôt futé, il mangeait plein de miettes de gâteaux. Même si ça lui plombait le gésier, mais ça, il se gardait bien de le préciser quand il se vantait de ses bonnes fortunes.

Car il se vantait tout le temps, ça aussi, ça énervait les autres. Il claironnait partout qu’un jour, il partirait en Amérique, avec une famille de touristes tombés sous son charme. Dans une autre vie peut-être, disaient les autres en caquetant de rire entre eux … le charme de Gros Canard pénible, et puis quoi encore.

La vie s’écoula ainsi, pendant 15 ans, Canard ne renonça jamais à son rêve américain, il fallait bien clouer le bec aux imbéciles à plumes, et cancaner plus fort que les autres.

Puis il mourut, de vieillesse, un jour d’hiver banal, près du golf, sous les yeux indifférents des touristes américains.

Quand son âme volatile quitta son corps, il fallût choisir une réincarnation. Il fallait trouver une enveloppe charnelle d’un niveau quasiment équivalent, puisque Canard n’avait pas particulièrement amélioré son karma pendant son existence, hélas.

Son rêve américain fut exaucé, il revint à la vie à New York le 14 juin 1946, sous une forme humaine.

Sa mère, en découvrant son bébé à la naissance, fût immédiatement saisie d’une impulsion, une réminiscence mystérieuse, elle décida de l’appeler Donald.

Donald fût un bébé braillard et avide, puis un enfant capricieux et instable.

Devenu adulte, il fût rapidement catalogué comme un gros type prétentieux et pénible. Stupide également, il faut dire qu’il ne réfléchissait pas avant de parler, ce qui lui faisait proférer bien des âneries.

Des rumeurs courraient sur une partie écrasée et gondolée de son anatomie, et nul ne pouvait ignorer qu’il avait une teinte orangée prédominante, ce qui suscitait bien des railleries.

On avait beau se moquer tout le temps de lui, Donald se trouvait plutôt fûté. Il dilapidait la fortune familiale en se vantant de ses bonnes fortunes.

Car il se vantait tout le temps, ça énervait tout le monde. Il claironnait qu’un jour il dominerait le monde, car l’Amérique tomberait sous son charme.

Dans une autre vie peut-être, disaient les autres en pouffant de rire entre eux … le charme de ce gros con de Donald, et puis quoi encore.

Donald avait une revanche à prendre, il voulait clouer le bec aux imbéciles. A la surprise de tout le monde, il réussit à se faire élire Président des États Unis.

Sa présidence fût à son image, catastrophique et prétentieuse, provoquant stupeur et désolation.

Détail de l’histoire, personne ne comprit pourquoi il passait le plus clair de son temps sur un terrain de golf près d’un lac.

En tous cas, il ne fit rien pour améliorer son karma, obérant une fois de plus son évolution, décidément bien lente.

Image Natalia Trofimova

D’un pôle à l’autre

Les familles ne sont pas préparées à se confronter à la maladie mentale. Ma belle-famille en tous cas était particulièrement mal armée pour cette confrontation.

Vers l’âge de 55 ans, mon beau-père Lucien a commencé à saouler copieusement ma belle-mère Odette.

Affublée d’ordinaire d’un mari taiseux et calme, un peu dépressif, Odette trouvait Lucien de plus en plus entreprenant dans tous les sens du terme.

Il y avait eu quelques précédents par le passé, mais cette fois ci, elle le trouvait carrément pénible. Elle préférait manifestement son état dépressif, assis dans son fauteuil, et silencieux, vu qu’elle n’avait aucune difficulté à parler pour deux.

Mais voilà, il fallait bien faire avec son bonhomme de plus en plus excité, de plus en plus bavard, de plus en plus actif.

Nous n’étions pas sur place, mais nous avions bien remarqué lors de nos passages, que Lucien était dans une forme olympique, qu’il débordait d’idées et de projets, à la limite de l’excès de vitesse.

Mais c’était drôle, il faisait des blagues, il racontait plein d’histoires, ça faisait presque plaisir à voir, vraiment Odette quelle emmerdeuse, Lucien avait l’air si heureux.

Au fil des mois, Odette s’est lamentée de plus en plus fort, elle nous disait que Lucien devenait agressif.

Il s’était mis dans la tête qu’Odette avait une liaison avec Jean-Paul, le voisin bien gentil qui venait faire le jardin. C’était hautement farfelu, pour ceux qui connaissaient Odette, comme pour ceux qui connaissaient Jean-Paul. En attendant, Lucien avait foutu Jean-Paul dehors en l’invitant fermement à s’occuper de ses propres salades.

Nous nous sommes rapprochés géographiquement, nous avons pu voir que la situation se compliquait.

Lucien ne dormait plus, vraiment plus. Il avait promis d’aller voir le docteur et Odette avait confirmé qu’il y était bien allé. Le docteur n’avait rien dit de spécial selon Odette, ni cette fois, ni les fois suivantes parce qu’il avait bien fallu y retourner.

Car Lucien ne dormait toujours pas. Il avait commencé un projet de démolition de la cheminée dans le salon, la moitié de la cheminée était par terre. Il passait des heures à déplacer des objets, le jour et la nuit. Il avait transformé le jardin en foire à la poterie pour son projet de récupération des eaux de pluie. Il avait contacté une agence immobilière pour acheter la maison de la mère Minaud partie en maison de retraite, et décidé de mettre la maison familiale en vente. De toute façon, leur vieille maison était pleine d’escaliers, ce n’était pas bien pour Odette, elle serait bien mieux dans la maison de la mère Minaud, il en était sûr.

Odette était fatiguée, elle n’avait toujours pas digéré « l’épisode Jean-Paul », qui revenait de façon obsessionnelle dans ses monologues marmonnés dans sa cuisine : pensez-vous, à mon âge, comme si j’avais la tête à ça, alors que c’est tout le contraire, faut plus me parler des bonshommes merci bien, je lui pardonnerai jamais au Lucien de m’avoir mis la honte comme ça.

Et puis Lucien a commencé à partir sans prévenir pendant des heures. Puis à se promener dehors tout nu pendant la nuit, deux fois.

Personne ne savait quoi faire, la moitié des frères était dans le camp d’Odette, hostile à Lucien et ses lubies. L’autre moitié était dans le camp de Lucien, hostile à Odette qui avait emmerdé Lucien toute sa vie, après tout il avait bien le droit de faire enfin ce qu’il voulait.

Nous on était au milieu, le frère plus jeune n’avait pas voix au chapitre, c’était les deux aînés qui savaient, chacun dans son camp.

Nous avons décidé d’appeler le médecin sans demander l’avis des autres, qu’est ce qu’il fichait ce foutu médecin bon sang ? Le médecin nous a collés au mur : Qu’est ce qu’on attendait, ça faisait des mois qu’il disait à Odette qu’il fallait emmener Lucien consulter un psychiatre parce qu’il souffrait probablement de maniaco-dépression. A l’époque, on ne disait pas trouble bipolaire.

On l’a annoncé aux frères, ils ont moyennement compris. On a imprimé des articles de vulgarisation sur la psychose maniaco dépressive pour en parler. Ils nous ont regardé de travers, on les prenait pour des cons ? c’est bon ils avaient compris.

Ce n’était pourtant pas bien clair dans les discours, la moitié qui supportait Odette continuait à en vouloir à Lucien comme s’il y pouvait quelque chose, et l’autre moitié continuait à dire que tout ça c’était de la faute d’Odette.

Odette continuait quant à elle à ne pas comprendre, la psychose était absolument en dehors de toutes ses représentations mentales.

Il a fallu hospitaliser Lucien, tous les frères, unis, ont réussi à se rassembler dans la maison parentale le jour où on l’a emmené.

Lucien est resté quelques semaines à l’hôpital.

Le psychiatre de l’hôpital nous a tenus à distance, la famille est présumée pathogène, elle n’est pas bienvenue pendant toute la première partie de l’hospitalisation. On ne nous a pas beaucoup expliqué. Nous sommes devenus indésirables. Il a fallu se battre pour décrocher un rendez-vous, qu’on ne nous a concédé qu’en fin de séjour.

En attendant, j’allais voir Lucien quand c’était autorisé. Il me racontait qu’il était bien, qu’il avait le droit d’aller se promener dans le parc de l’hôpital, il avait même réussi à aller jusqu’à une concession automobile pas loin de l’hôpital pour commander une nouvelle voiture. Les achats compulsifs … ça fait partie de la maladie, c’est un des problèmes à régler, dans une famille où Odette a toujours compté chaque sou de leurs misérables retraites agricoles.

Ah et puis, il ne voulait pas trop me le dire mais il n’avait plus le choix, il avait un secret qu’il ne voulait confier qu’à moi si je promettais de ne le répéter à personne, surtout pas à ses fils.

J’ai promis. Lucien avait acheté 4 vaches en cachette. Elles étaient dans les prés d’un agriculteur pas loin de leur village, et elles étaient sur le point de vêler d’un jour à l’autre. Il fallait que je m’en occupe en urgence, lui ne pouvait pas le faire de l’hôpital. Il m’a dit où il avait caché les papiers des vaches pour que je gère le vêlage. J’ai trahi la promesse, j’ai trahi le secret, on a vendu les vaches à l’agriculteur en urgence.

Puis Lucien est revenu à la maison, avec un traitement au lithium pour réguler l’humeur. Odette n’était pas ravie, elle avait eu peur, elle serait bien restée tranquille plus longtemps.

Lucien est revenu abruti par son traitement, il est de nouveau resté assis dans son fauteuil, Odette a pu recommencer à parler pour deux. Elle a dit à tout le monde que ça allait mieux depuis que Lucien prenait un médicament contre la jalousie.

Le dosage du lithium a été long. Au fil du temps, Lucien a trouvé un certain équilibre. Mais il y a eu des rechutes, des phases maniaques de nouveau débordantes, et il y a eu d’autres hospitalisations.

La bipolarité est une maladie dégueulasse. Quand Lucien allait bien, recommençait à rire et à raconter des histoires, il fallait commencer à s’inquiéter.

Odette a continué à subir la maladie sans trop comprendre.

A sa dernière sortie d’hôpital, Odette n’a pas voulu reprendre Lucien, elle a dit qu’elle en mourrait si ça devait recommencer.

Lucien est donc allé dans une maison de retraite. Odette venait le voir régulièrement et Lucien était content. Il est devenu ami avec un voisin de chambre, tous les dimanches matins ils chantaient ensemble à tue tête les chants de la messe à la télé. Seulement pour le plaisir de chanter, Lucien n’est jamais allé à la messe en vrai.

Lucien ne s’est jamais plaint, il n’a plus fait de crise maniaque et il a trouvé l’apaisement.

Aujourd’hui Lucien est mort. Odette a tout oublié, elle a la maladie d’Alzheimer.

Aujourd’hui c’est la bipolarité du plus jeune frère qui nous préoccupe. Il était encore enfant quand Lucien a été diagnostiqué. Il a déclaré la maladie plus tard, à 22 ans, et de façon ultra violente mais c’est une autre histoire. Il maitrise beaucoup mieux la maladie que son père, ce n’est plus la même époque, ni le même milieu. Pourtant, il souffre encore quand l’équilibre se rompt. En ce moment, il traverse une phase maniaque. Nous, la famille, on n’est guère plus à la hauteur qu’avant.

Ce mois d’avril 2025, Nicolas Demorand a révélé souffrir de bipolarité.

C’est important. Il dit les mots, il met de la lumière sur cette maladie. Certaines personnes comprendront mieux. Ses paroles auront probablement plus d’effets que la déclaration d’intention de faire de la maladie mentale la grande cause de l’année 2025, dont l’impact est encore invisible, enfin moi je ne l’ai pas vu.

Merci donc à Nicolas Demorand. C’est lui qui m’a donné envie de parler de Lucien.

Pensées d’amour à Lucien et à tous les malades ❤️

(Encore pardon Lucien, pour le secret des vaches)

Le syndrome Morrison

Lettre à mon amoureux de quand j’avais 20 ans

Tu es venu dans mes pensées cette nuit. Je t’ai extirpé de la brume vaporeuse où tu es englouti depuis longtemps.

Ça arrive de temps en temps, sans raison, sans prévenir, tu te pointes comme un petit insecte têtu qu’on croit avoir chassé et qui sort de sa planque.

Au début, je te sortais souvent de ta boîte de conserve. Beaucoup moins maintenant, on ne peut pas se faire du mal tout le temps, il faut bien s’accorder du calme et de la monotonie. C’est pas terrible, la monotonie, mais ça repose.

Te voilà donc. Je vois que tu continues à briller. De plus en plus même, c’est curieux.

Probablement est-ce lié au fait que les taches sombres sont solubles dans le temps. Les déceptions, les défaillances, les mauvais jours, cette fille qui s’appelait Marie, Marie avec son prénom de vierge, sa jolie tête de sainte nitouche que j’aurais bien écrabouillée. Et pour finir l’abandon, le largage de petit salop la veille du départ en vacances, pschitt… Quelle banale médiocrité. C’est presque effacé désormais, c’est bien commode ce lessivage. Abracadabra, et hop, ça part dans la brume.

C’est le versant ensoleillé, l’adret du souvenir qui ressort maintenant, ta belle gueule qui sourit, l’effervescence, la joie, les projets qui bouillonnent, les nuits blanches, les jours lumineux, les belles années. C’est même mieux aujourd’hui, embelli par la sublimation déformante de la réminiscence.

Note bien qu’il y a filouterie dans cette affaire, forcément : tu ne vieillis pas, tu restes insolent de jeunesse, comme Jim Morrison figé dans le temps, tandis que le reste du monde a méchamment morflé.

Où peux tu être Gigi l’Amoroso ? Tu rêvais de vivre en Australie, d’en écumer les sept millions de kilomètres carrés. J’imagine que tu t’es posé là-bas, avec des moutons, quelque part dans le bush. Et de temps en temps, si ça se trouve, pourquoi pas, toi aussi tu me sors de ma boîte ensevelie dans ta brume, et j’ai encore 20 ans.

Si ça se trouve …

Si ça se trouve, tu n’es jamais parti, tu es Inspecteur des Impôts à Loudun. C’est probable. Tu es chauve, gras du bide, tu fais du vélo sur l’Ile de Ré tous les étés, tu roules en Mercédès le reste de l’année, tu fais du squash, tu te vantes de citer plus de 60 marques de bières pour avoir l’air cool, tu lis La Nouvelle République et l’Equipe, tu ne rêves plus d’Australie, à la place tu fais des Sudoku, et tu écoutes Louise Attaque et Léo Ferré en disant c’était mieux avant.

Aucune envie de te revoir finalement, tu m’ennuies déjà. Rentre dans ta boîte tiens. Le petit pincement dans le bide va passer.

Allez, ciao bello, Jim, je te prie d’agréer l’expression de mes sentiments mélancoliques

Signé Mollette

PS : Merci de ne pas disparaître totalement. La monotonie, c’est supportable, mais seulement avec une photo de Jim Morrison cachée sous le matelas.

Rien de Tell

Mais surtout pas, jamais de la vie !

Amante d’un marin, plutôt mourir. Le type n’est jamais là, il raconte partout que la femme de sa vie, c’est la mer.

Plus égocentrique qu’un capitaine, t’as quoi ? astronaute peut-être, et encore, les astronautes, au moins, ils sont plus souvent sur terre.

Non merci.

Mais non enfin ! Quelle idée.

Moi j’attends derrière ma quenouille que tu te décides à organiser un voyage ? C’est clair, à ce compte-là, on ne part jamais.

On ajoute que le plan est bien trop risqué : « Chérie fais tes bagages, on part faire le rallye des pubs anglais en Porsche » Youpi !

Il y a un problème ? T’aime pas les voyages ? T’aimes pas rigoler ? T’aimes pas la bière ?

Justement, j’aime voyager et rire Jean-Michel, c’est ça le problème.

Au secours. Cette personne n’a jamais fait l’amour sur la plage. ÇA GRATTE SA MERE

C’est jouable entre 17 ans et 17 ans et demi, et une seule fois, après tu évites

Non mais tu me prends pour Pretty Woman ou bien ?

Tu as zéro imagination ? Tu as tout misé sur ton compte bancaire ?

Allez, disons que c’est un peu mieux qu’un robot Magimix, on est ½ étage au-dessus.

Peut mieux faire.

Alors là, je ne dis pas non, tu m’intéresses, même un petit studio, même une bicoque je prends.

Par contre, la villa/bicoque on la choisit ensemble. Si possible. Merci de préciser, parce que c’est ambigu là.

De mieux en mieux, un forceur. Je repars à Bergame désolée, c’est moi qui t’appellerai.

(et pitié, ne m’appelle pas mon amour, ni mon chaton, ni mon minou, ni mon cœur, ni mon lapin, ni mon canard, ni aucun autre animal de la ferme en fait)

« Je suis femme et quand on est femme
Ces choses-là ne se font pas
»

Et pourquoi donc Germaine ? Aka Diane Tell, meuf du paléolithique !

Tout le monde se pose la question, POURQUOI ?

Voilà, on y est. On met le doigt (le majeur levé, soyons précis) sur le problème.

Le « romantisme » [se prononce en mangeant des chamallows, les yeux perdus sur la ligne d’horizon avec les poils qui se dressent]. Ou plutôt l’idée que l’on s’en fait.

On a été droguées au romantisme, au prince charmant, à l’amour fou.

Mais la drogue c’est de la merde.

Cette chanson est une chanson de mecs.

La femme est passive, une petite chose qui bat des mains et qui brille des yeux. Elle reçoit les cadeaux, des hommages, elle s’adapte aux clichés, une femme bel objet mais une femme objet quand même. Qui rêve de ça plus de 3 minutes 30, le temps d’une chanson ?

Je suis allée voir qui était le parolier, j’étais sûre à 100% que c’était un homme.

Erreur totale, c’est Diane Tell qui l’a écrite et composée.

Mais qu’est ce qui t’as pris Diane ? Dans quelle galère sentimentale étais tu embarquée ?

Tu as grave merdé mon amie. Ça fait 45 ans qu’on se tape ces clichés éculés. Qu’on est censées être fondues d’amour en entendant ta voix, noyées dans l’eau de rose, nostalgiques de rapports genrés jusqu’à la caricature.

45 ans que des bandes de filles ivres chantent ta foutue chanson en karaoke, la main sur le cœur et les yeux mouillés (pendant un enterrement de vie de jeune fille, tant qu’à faire, puisqu’on a déterré cette antique coutume de l’enfer, tu sais, le karaoke, juste après la séquence strip tease qui a redonné des perspectives professionnelles à des ersatz de Chippendales censés représenter le rite de transgression de la vie d’une femme avant de s’enchaîner à un mari, quelle misère. Mais je m’égare)

Sachant que le mètre étalon du film romantique, sorti 10 ans plus tard, raconte l’histoire d’un homme riche qui s’offre une prostituée pauvre en la couvrant de cadeaux de luxe et qui daigne tomber amoureux d’elle à la fin. Oups.

Le romantisme, c’est à chier, un jour il va falloir prévenir les petites filles.

Bref, on ne te dit pas merci Diane.

Moi si j’étais un homme, j’écrirais une chanson sur l’amour pour remplacer cette daube, une belle chanson qui renverserait tout mais cette fois-ci pour de vrai, un truc autrement romantique, qui ferait vraiment rêver en somme.

Moi si j’étais un homme, je serais féministe 💜

Au bout du compte

Mon cher, très cher,

Tant d’années à se supporter mutuellement, trop sans doute.

Au début, je t’aimais bien. C’est d’ailleurs faux, disons que je ne te détestais pas encore. Je t’ignorais, voilà plutôt le terme, nous vivions ensemble, sans états d’âme, dans une indifférence réciproque paisible.

Je n’allais pas souvent te voir, aucun mépris de ma part je te le jure, juste de l’insouciance.

Tu étais gras, j’étais joyeuse, pourquoi s’en faire ?

Puis j’ai remarqué que tu allais de moins en moins bien. Rien de grave, nous pouvions supporter un peu d’ombre.

Mais tu as pris une teinte rougeâtre, tu as maigri, et tu as commencé à faire la gueule tout le temps.

J’ai fait semblant de ne pas voir, j’ai dit que c’était passager, que tu remonterais la pente, que tu me fatiguais avec tes humeurs, que j’avais le droit de mener ma vie sans trainer un boulet.

Je t’ai négligé, pardon, en même temps tu es si peu aimable, si peu intéressant, c’est difficile de prendre soin de toi.

Au fil des années, je me suis inquiétée, vraiment.

J’ai tenté d’être à la hauteur, je me suis battue pour t’alimenter, pour te redonner des forces.

Peine perdue, tu as continué à dépérir.

Tu t’es bien foutu de moi n’est ce pas, tu m’as regardée m’agiter dans tous les sens sans même faire semblant d’aller mieux, comme un wagon plombé qui suit son rail cassé vers une voie de garage.

Aujourd’hui je vais de moins en moins te voir. Petite chose misérable qui se dresse sur mon chemin comme un reproche. J’ai peur de ce que je vais trouver en arrivant. Il n’y a plus d’insouciance, tu l’as écrabouillée, elle est en miettes. A chaque fois que je te croise, tu m’agresses : agios, frais de gestion, commissions du plus fort découvert, et plein d’autres laideurs.

Tu es devenu hideux, je suis désolée de te le dire, vraiment hideux. Tu me dégoûtes, tu t’insinues dans ma tête, méchant comme une teigne, invasif comme une colonie de punaises de lit sous Viagra.

Méfie toi, les mauvais comptes n’ont pas de bons amis.

J’attends le moment où je vais pouvoir te larguer, te plaquer, t’envoyer paitre, t’abandonner définitivement chez ta logeuse sans âme. J’attends patiemment. Au bout du compte, je resterai et tu disparaitras.

En attendant, va te faire voir. Toi et tes congénères, laissez nous tranquilles !

Pas cordialement. Avec toute ma détestation.

Signé Mollette

Destinataire : Mon compte bancaire professionnel, demeurant dans son agence bancaire, en ville.

PS : Figure toi que ça m’a fait beaucoup de bien de t’adresser un billet pas doux, à toi aussi ça devrait plaire, un petit billet. On devrait s’écrire plus souvent, tu deviendrais un compte postal